Françoise Laury / petite mythologie familiale


 
Exposition galerie "Flux" - Liège 2014
 
 

 

 

 

 








Petite mythologie familiale

"Je pense que le monde qui nous entoure est, en quelque sorte l'expression du monde des représentations, une expression des désirs.
L'environnement ne se présente pas tel qu'il est mais tel qu'on aimerait qu'il soit".

Hans Peter Feldmann

Exilés en 1962, mes parents ont choisi de conserver l'album familial et l'ont transporté dans l'une des deux valises règlementaires parmi quelques vêtements.

Juste en contre-bas de la maison familiale une base américaine s'était implantée.
Mon père, alors âgé de 10 ans, était en contact direct avec les soldats et leur rendait quelques menus services.
Très tôt, il s'est imprégné de cette culture américaine à travers la lecture de la bande dessinée, du cinéma et de la musique. Il fut par la suite musicien clarinettiste et joua dans un orchestre de jazz. Il emmena ma mère au cinéma, voir toutes les comédies musicales de l'époque.
Ces photographies prises dans les années 50, nous parlent de leur belle insouciance et pourtant ! Toute leur jeunesse est là, leurs rêves aussi.

Dans l'album de mes parents, je m'immisce en confrontant mes images aux leurs,
elles évoquent un même voyage en Espagne à 30 ans d'intervalle et nous avons tous 20 ans.

Françoise Laury
Aix-en-Provence 2012


Installation :
24 tirages pigmentaires noir et blanc encadrés format 13 X 18 cm

3 diptyques tirages pigmentaires noir et blanc encadrés format 13 X 18 cm


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L'exil

"on sourit souvent, on est parfois triste et mélancolique mais jamais on ne pleure ni ne souffre sur les photographies de famille".


André Rouillé

En 1962 l'album s'est arrêté.
L'exil.
Ancrées dans leurs souvenirs, seules des images mentales subsistent. Elles défilent souvent dans leur tête et à tout moment peuvent les submerger. Une vie intérieure difficile à communiquer avec des mots.

Ils ont essayé.

La parole se substitue à l'absence d'image physique. Ma mère m'a raconté son exode. Mon père n'était pas du voyage. Elle portait d'un côté son bébé âgé d'un an et de l'autre une grande valise, sa fillette de quatre ans se tenait fermement accrochée à sa jupe.
Lorsque le bateau a pris le large, elle a regardé très longuement la côte jusqu'à sa disparition, pour être sûre que cette image rétinienne resterait à tout jamais gravée dans sa mémoire afin de pouvoir en toutes circonstances la convoquer.

Les histoires se répètent.

Elle m'a aussi raconté l'exode de sa grand-mère maternelle quittant l'Espagne vers un ailleurs moins misérable. Depuis la côte andalouse, elle a fait la traversée avec d'autres à bord d'une barque de pêche éclairée au lamparo. Cette femme mutique a raconté son village natal à travers une imagerie de fêtes et de couleurs, la transmission orale a perduré et ce sont ses arrières-petits enfants qui ont fait le voyage au fin fond de l'Andalousie à la rencontre de ces racines, comme une évidence.

Quelque chose m'a été donné, je suis porteur de quelque chose, d'une histoire familiale en lien avec l'Histoire et ces images mentales qui m'ont été transmises ont pris place dans mon imaginaire, comme celle de la mer.

C'est un fait, certaines images s'imposent, elles semblent venir de loin, d'une mémoire qui ne serait pas la mienne.



Françoise Laury
Aix-en-Provence 2013





Installation :
- tirage pigmentaire 154 cm x 215 cm ( composé de 12 photographies couleur format 38 X 53 cm)
- 1 photographie argentique de 1915 noir et blanc format 9 X 6,5 cm encadrée